La prévention des entreprises en difficulté fait généralement référence aux procédures mises en place pour aider les personnes physiques et les personnes morales exerçant une activité économique indépendante et ne pouvant plus faire face à leurs dettes. Depuis 2005, la priorité est le traitement préventif des difficultés avec le mandat ad hoc, la conciliation et la sauvegarde.

Découvrez le fonctionnement des procédures collectives : les procédures de prévention et de traitement amiable, et les procédures judiciaires.

 

Qu’entend-on par la « prévention des difficultés des entreprises » ?

 

La prévention des difficultés des entreprises s’adresse, comme son nom l’indique, aux entreprises en difficulté. Ce sont les entreprises qui rencontrent des difficultés financières, économiques, juridiques ou sociales qui pourraient compromettre leur pérennité.

Afin d’évaluer la gravité de la situation et déterminer les procédures accessibles à l’entreprise sujette aux difficultés, il faut savoir si elle est en état de cessation des paiements.

La définition de la cessation des paiements est donnée par le Code de commerce. Il s’agit de la date à partir de laquelle l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face à ses dettes. Son actif disponible ne permet pas de couvrir son passif exigible.

 

Quelles sont les procédures de prévention des entreprises en difficulté ?

 

Les dispositifs de prévention demeurent malheureusement méconnus des entreprises alors qu’ils peuvent les sauver. Deux mesures de prévention co-existent : le mandat ad hoc et la conciliation.

En pratique, ces procédures vous permettent de renégocier aimablement vos dettes avec certains de vos créanciers, en toute confidentialité. C’est le grand avantage de ces mesures.

À noter : Il existe également une procédure d’alerte pour avertir un dirigeant des difficultés rencontrées par sa société. Elle peut être déclenchée par un commissaire aux comptes (CAC), les associés, le comité social et économique (CSE), le président du tribunal de commerce ou par des groupements de prévention agréés.

 

Le mandat ad hoc

 

La désignation d’un mandataire ad hoc est un excellent moyen pour aider un chef d’entreprise à résoudre ses difficultés financières, commerciales ou sociales afin d’éviter une procédure judiciaire.

En tant que chef d’entreprise, vous êtes le seul à pouvoir saisir le président du tribunal de commerce pour demander la nomination d’un mandataire ad hoc.

Bon à savoir : Il existe un débat sur la possibilité ou non de recourir au mandat ad hoc lorsque l’entreprise se trouve en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours. Pour l’instant, la réponse demeure positive.

Le mandataire ad hoc est généralement choisi parmi les administrateurs judiciaires et est nommé pour six mois renouvelables.

Il a pour rôle de vous aider dans la recherche et la mise en œuvre de solutions de nature à mettre fin aux difficultés de votre entreprise. Vous conservez vos pouvoirs de gestion et de représentation.

En pratique, il peut vous assister pour :

  • négocier des délais ou des échelonnements de paiement (ou mieux, des remises de dettes) ;
  • obtenir le règlement des factures impayées par vos clients.

Le grand avantage de la procédure est qu’aucune mesure de publicité n’est à effectuer. De plus, vous n’avez pas non plus l’obligation d’informer vos salariés ou votre CSE de la désignation du mandataire ad hoc. Seul l’éventuel CAC devra être au courant.

 

La procédure de conciliation

 

Depuis 2005, vous avez la possibilité de recourir à la procédure de conciliation.

Celle-ci s’adresse à toutes les entreprises de droit privé, y compris aux indépendants et aux associations. En revanche, les sociétés doivent remplir trois conditions cumulatives. À savoir :

  • rencontrer une difficulté avérée ou prévisible de nature juridique, économique ou financière (par exemple, la perte d’un gros client) ;
  • ne pas être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours ;
  • ne pas avoir fait l’objet d’une précédente procédure de conciliation (moins de trois mois).

Comme pour le mandat ad hoc, seul le représentant légal de la société peut demander son ouverture au président du tribunal de commerce (ou du tribunal judiciaire pour les activités civiles).

La procédure dure quatre mois et peut être prorogée d’un mois supplémentaire sur demande du conciliateur.

Attention : Vous exercez une profession libérale ? La décision de nomination d’un conciliateur sera transmise à votre ordre professionnel.

Aucune procédure de publicité n’est prévue.

Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion d’un accord amiable avec vos principaux créanciers et vos cocontractants habituels. Toutefois, vous conservez vos pouvoirs de gestion et de représentation. Les accords peuvent prendre la forme de :

  • remises de dettes ;
  • nouveaux crédits ;
  • abandons de sûreté.

 

Une fois un accord trouvé, vous aurez la possibilité de solliciter le président afin de constater l’existence de l’accord. On parle alors d’un accord constaté. Il ne fait l’objet d’aucune publicité afin de préserver la confidentialité de la procédure, mais obtient la force exécutoire. De plus, le constat d’accord interrompt et interdit toute action en justice par les signataires (sauf procédure d’exécution forcée).

 

Une alternative existe : l’homologation de l’accord. Elle doit être demandée au tribunal à condition que :

  • l’entreprise ne soit pas en état de cessation des paiements ;
  • l’accord assure la pérennité de l’activité de l’entreprise ;
  • l’accord ne porte pas atteinte aux droits des créanciers non partie à l’accord.

 

La décision judiciaire d’accorder l’homologation a autorité de chose jugée et fait l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales (JAL) et au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) (et non l’accord). Cet accord interrompt et interdit toute action en justice de la part des parties pour les créances inscrites à l’accord. Les créanciers à l’accord se voient accorder un privilège de conciliation pour obtenir un paiement en priorité.

 

Lorsque le mandat ad hoc et la procédure de conciliation sont insuffisantes pour faire face aux difficultés rencontrées par votre entreprise, il est nécessaire d’agir en justice via l’ouverture d’une procédure collective.

 

Quelles sont les différentes procédures collectives françaises selon la gravité des difficultés des entreprises ?

 

Il existe quatre procédures collectives en France :

  • la sauvegarde judiciaire ;
  • le redressement judiciaire ;
  • la liquidation judiciaire ;
  • le rétablissement professionnel.

 

Ces procédures judiciaires s’adressent aux personnes physiques, c’est-à-dire toutes les personnes ayant une activité professionnelle indépendante (les commerçants, les artisans, les agriculteurs et les professionnels libéraux) et aux personnes morales de droit privé (les sociétés commerciales et civiles).

 

La procédure de sauvegarde judiciaire

La procédure de sauvegarde judiciaire est réservée aux entreprises qui subissent des difficultés réelles (économiques, financières, juridiques ou sociales) et qui n’arrivent pas à les surmonter seules. Néanmoins, elles ne sont pas en état de cessation des paiements.

En tant que chef d’entreprise, il vous revient la possibilité de saisir le tribunal pour demander l’ouverture de la procédure.

Celle-ci débute par un jugement d’ouverture après vous avoir entendu, ainsi que les représentants du CSE. Les actes accomplis après le jugement d’ouverture peuvent être annulés. De plus, les poursuites individuelles sont arrêtées à partir de cette date.

Contrairement au mandat ad hoc, le jugement fait l’objet d’une publicité sur votre registre professionnel, dans un JAL et au BODACC.

Le tribunal va fixer une période d’observation. Elle sert à établir un bilan économique et social de l’entreprise et d’apprécier la poursuite de l’activité. Elle a une durée de six mois et peut être prorogée sans pouvoir dépasser 18 mois. Pendant cette période, vous continuez à gérer votre entreprise avec l’éventuelle surveillance ou assistance d’un administrateur judiciaire.

Pendant la période d’observation, certaines règles particulières s’appliquent :

  • paiement des créances antérieures interdit (sauf créances alimentaires ou salariales) ;
  • poursuite des contrats en cours ;
  • restriction des droits des créanciers (interruption et arrêt des poursuites individuelles, suspension des voies d’exécution, arrêt du cours des intérêts et interdiction d’inscrire des sûretés).

En revanche, les créanciers dont la créance est postérieure au jugement d’ouverture bénéficient d’un droit de priorité : un droit au paiement à l’échéance et un droit au paiement privilégié, c’est-à-dire avant les autres créanciers.

À noter : Vos créanciers doivent déclarer leurs créances antérieures au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés.

Qu’est-ce que le plan de sauvegarde ?

À la fin de la période d’observation, un plan de sauvegarde devra être mis en place afin de maintenir l’entreprise en vie. Sans administrateur, il vous reviendra la charge de le rédiger après consultation du mandataire judiciaire est du CSE. En cas de nomination d’un administrateur, il réalisera un bilan économique et social et le projet de plan. Ce dernier devra comprendre :

  • les perspectives de redressement ;
  • les modalités de règlement du passif et les garanties du chef d’entreprise ;
  • les perspectives d’emploi ;
  • les offres d’acquisition portant sur une ou plusieurs activités.

Il sera à remettre au tribunal qui pourra l’adopter ou le refuser après consultation du chef d’entreprise, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, des représentants du CSE et du ministère public.

Une fois adopté, le tribunal fixera la durée du plan qui ne peut excéder dix ans et vous retrouverez la totalité de vos pouvoirs de gestion. Le tribunal pourra également se prononcer sur les licenciements pour motif économique.

En cas d’inéquation du plan, sa résolution pourra être prononcée.

Bon à savoir : il existe une sauvegarde accélérée pour mettre en place rapidement une période d’observation et un plan. Elle fait suite à une procédure de conciliation à condition que la société ait des comptes certifiés par un CAC ou établis par un expert-comptable. La période d’observation est alors limitée à deux mois avec une possible prolongation à quatre mois.

La procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire est ouverte aux entreprises en cessation des paiements à la demande du chef d’entreprise, des créanciers, du ministère public et du tribunal.

À noter : Vous avez l’obligation de solliciter une procédure collective au plus tard dans les 45 jours suivants la cessation des paiements.

Elle suit le même déroulement que la procédure de sauvegarde à quelques différences près.

Sans nomination d’un administrateur judiciaire, vous conserverez le droit d’administrer votre entreprise pendant la période d’observation. En cas de désignation, celui-ci vous assistera ou gérera seul tout ou une partie l’entreprise. En pratique, vous continuerez tout de même à effectuer la gestion quotidienne (par exemple, une commande de marchandises).

Les actes accomplis pendant la période suspecte pourront être annulés s’ils n’auraient pas dû être accomplis (acte transmis à titre gratuit, contrat déséquilibré, paiement anormal, etc.). La période suspecte commence à compter de la date de cessation des paiements et se termine le jour du jugement d’ouverture.

Concernant le plan de redressement : À la différence du plan de sauvegarde, l’entreprise pourra faire l’objet d’une cession totale. Par ailleurs, les restructurations sociales seront facilitées avec notamment, la prise en charge par le fonds de garantie des salaires (AGS).

La procédure de liquidation judiciaire

La liquidation judiciaire est ouverte aux entreprises dont le redressement est manifestement impossible.

En tant que dirigeant, vous serez totalement dessaisi de votre pouvoir de gestion.

Le jugement de liquidation entraînera la dissolution de votre entreprise et l’arrêt immédiat de son activité. Toutefois, sa personnalité morale subsistera pour les besoins de la procédure et le maintien de l’activité pourra être autorisé en cas de cession totale ou partielle ou pour l’intérêt des créanciers et du public.

Le liquidateur judiciaire se chargera de vendre les actifs de l’entreprise afin d’apurer son passif. Il assurera également son administration et mettra en œuvre la procédure de licenciement économique.

La clôture de la liquidation sera prononcée lorsque toutes les dettes auront été réglées. Ce qui est rare dans les faits. La plupart du temps, l’entreprise ne pourra pas rembourser l’ensemble des créanciers et sera déclarée en insuffisance d’actifs. Le restant des dettes sera effacé et aucun créancier ne pourra plus poursuivre la société.

Bon à savoir : Il existe une liquidation judiciaire simplifiée pour les entreprises sans bien immobilier, employant au maximum cinq salariés et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 750 000 euros. Avec cette procédure, le liquidateur procède à la vente des biens mobiliers dans les quatre mois pour régler les créanciers. Sa clôture est prononcée au plus tard dans les six mois suivant l’ouverture de la procédure (ou un an lorsque l’entreprise emploie plus d’un salarié et réalise un chiffre d’affaires supérieur à 300 000 €).

Le rétablissement professionnel

Les personnes physiques en état de cessation de paiement peuvent également prétendre au rétablissement professionnel lorsque leur redressement est manifestement impossible.

Pour cette procédure, l’entreprise doit remplir trois conditions :

  • ne pas disposer d’actif immobilier ;
  • ne pas employer de salarié ;
  • avoir un actif inférieur à 15 000 euros.

Elle aboutit à l’effacement des dettes dans un délai de quatre mois.

 

Quels sont les acteurs intervenant au cours d’une procédure de traitement des difficultés des entreprises ?

 

De nombreux acteurs interviennent au cours des procédures collectives. À savoir :

Le juge-commissaire

Le juge-commissaire est l’organe central des procédures collectives.

Il est chargé de veiller à leur déroulement rapide et à la protection des intérêts en présence. Il surveille également l’administration de l’entreprise en difficulté. Il autorise les actes de disposition et les licenciements. Il peut également être amené à trancher certains litiges, notamment pour les contrats en cours.

Tous les organes de la procédure doivent l’informer de son déroulement.

 

Le mandataire judiciaire

Le mandataire judiciaire représente les créanciers. Il agit au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, notamment via une action en justice. C’est lui qui engage les discussions pour les délais de paiement et les remises de dettes. Il est aussi chargé de contrôler et de dresser l’état des créances.

Il doit informer les créanciers de l’état de la procédure.

 

Le représentant des salariés

Le représentant des salariés est désigné par le CSE (ou les délégués du personnel).

Il a pour mission de défendre les intérêts financiers des salariés et de vérifier le montant des créances salariales.

L’administrateur judiciaire

L’administration judiciaire intervient dans les sauvegardes et les redressements judiciaires.

En cas de sauvegarde, il peut se voir confier une mission de surveillance du chef d’entreprise. Il contrôle les actes accomplis. Il peut également avoir une mission d’assistance dans la gestion de l’entreprise ou de co-gestion en autorisant les actes importants.

En cas de redressement, l’administrateur obtient une mission d’assistance, voire une mission d’administration. Dans ce cas, il assure seul la gestion de l’entreprise.

Dans les deux procédures, il a la possibilité de prendre des mesures conservatoires et de poursuivre ou non les contrats en cours.

Le commissaire à l’exécution du plan

Une fois le plan de sauvegarde ou de redressement adopté, un commissaire à l’exécution du plan est nommé. Il s’agit généralement de l’administrateur ou du mandataire. Il est chargé de veiller à l’exécution du plan.

Il est également tenu d’encaisser les dividendes et d’assurer leur répartition entre les créanciers postérieurs et privilégiés. Il peut aussi reprendre des actions judiciaires.

Le liquidateur judiciaire

Le liquidateur est nommé dans les liquidations judiciaires. Il est chargé d’accomplir les actes nécessaires à la procédure. Il continue à gérer l’entreprise pendant les opérations de liquidation.

Il représente les créanciers et participe à la vérification des créances. Il va procéder aux cessions des actifs afin de répartir les sommes obtenues entre les créanciers.

 

La prévention des entreprises en difficulté est indispensable pour garantir la pérennité des entreprises françaises. Il est essentiel qu’elles réagissent rapidement en mobiliser les outils de prévention tels que le mandat ad hoc et la conciliation. Elles ont ainsi l’opportunité de surmonter leurs difficultés de manière confidentielle. Si ces mesures se révèlent insuffisantes, la sauvegarde et le redressement judiciaire offrent des solutions de restructuration. Toutefois, une meilleure sensibilisation aux dispositifs mis en place est nécessaire pour que les dirigeants puissent agir en amont et protéger l’activité des entreprises.