Face aux nombreuses contradictions entre le droit français et le droit de l’Union européenne et aux condamnations de l’État français pour non-transposition de la directive de 2003, la Cour de cassation a opéré plusieurs revirements de jurisprudence le 13 septembre 2023 pour mettre en conformité le droit français en matière de congés payés.
Congés payés : les divergences entre le droit français et de droit de l’Union européenne
Conformément aux articles L3141-3 et L3141-5 du Code du travail, le droit français prévoit que les salariés n’acquièrent pas de congés payés en période d’arrêt maladie.
=> L’Union européenne n’est pas de cet avis. Conformément à l’article 7 de la directive « temps de travail » de 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pour l’UE, les salariés absents pour maladie bénéficient de congés payés.
Par ailleurs, le droit français considère qu’un salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle obtient des congés payés, mais seulement dans la limite d’un arrêt d’une durée ininterrompue d’un an.
=> L’Union européenne n’impose aucune limite temporelle. Le salarié acquiert des congés payés durant toute la durée de son arrêt de travail.
Enfin, la jurisprudence française considérait que la prescription en justice des actions en paiement des indemnités de congés payés était de trois ans à compter de l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris.
=> Dans ce contexte, l’UE prévoit que le délai de trois ans ne débute qu’à partir de la fin de l’année au cours de laquelle ce droit est né et à condition que l’employeur ait mis le salarié en mesure de prendre les congés payés.
Les revirements de jurisprudence en date du 13 septembre 2023 : la mise en conformité avec le droit de l’UE
Dans le premier arrêt (cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-17340), la Cour de cassation a indiqué que l’article L3141-3 du Code du travail ne permettait pas une interprétation conforme du droit de l’UE. De ce fait, elle a écarté ses dispositions afin de garantir le droit aux congés payés des salariés en arrêt maladie. En effet, elle considère que les salariés en arrêt maladie non professionnelle peuvent prétendre à leurs congés payés (prévues par la loi ou dans une convention collective) au titre de cette période d’absence.
Dans le deuxième arrêt (cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-17638), la Cour de cassation n’a pas appliqué le plafond d’un an de l’article L3141-5 du Code du travail. Elle indique que la totalité de la durée de l’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle doit être prise en compte pour le calcul des droits à congés payés.
Enfin, la Cour de cassation (cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-10529 et n°22-11106) considère que le délai de prescription ne peut débuter à compter de la fin de la période au cours de laquelle les congés auraient pu être pris qu’à condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences lui incombant afin d’assurer à son salarié la possibilité d’exercer son droit aux congés payés.
L’impact des nouvelles mesures concernant les congés payés
Le champ d’application des revirements de jurisprudence est très large ! Vos salariés pourront réclamer tous les congés payés qu’ils ont acquis durant leurs arrêts.
Toutefois, une intervention législative n’est pas à exclure. En effet, le législateur pourrait limiter l’impact des arrêts au congé principal de quatre semaines prévu par l’UE et fixer une période maximale de report des congés payés.
Par ailleurs, il existe toujours des dispositions françaises non conformes au droit de l’UE. De ce fait, d’autres revirements pourront avoir lieu (par exemple l’impossibilité de prendre ultérieurement un congé dont un salarié n’a pu bénéficier du fait d’une maladie).